Nouvel An et Hacking…

En quête de nouvelles observations, j’ai eu la chance de pouvoir vivre puis analyser une cérémonie traditionnelle de nos amis porteños (habitants de la capitale Buenos Aires).
Pour eux, le premier jour de janvier symbolise le passage à une nouvelle année (2015 lorsque je m’y trouvais) et de grandes célébrations sont menées le 31 décembre, dernier jour de l’année en cours, appelées Fiesta del año nuevo, ce que je serais tenté de traduire par « fête du nouvel an », mais je laisserai aux linguistes le dernier mot sur ce point. D’après les écrits d’ethnologues renommés, cette cérémonie populaire aurait déjà été observée dans d’autres endroits reculés du monde par le passé…

Il faut voir cette célébration comme double, bien qu’en se vivant au présent, elle conjugue passé et futur : permettant de se remémorer entre amis ou en famille les bons moments passés, comme le passage, encore frais dans les esprits, du généreux père noël, tout en faisant habilement table rase sur les moins bons instants, comme l’accident de jokari qui a coûté un œil à Juancito, pour offrir l’illusion d’une page blanche pour écrire l’avenir.

La célébration du passé donne généralement lieu à de grands rassemblements populaires au centre des villes, pour apprécier en groupe la joie d’avoir pu profiter d’une année de plus. Cette émotion, communion entre tous s’exprime en tirant de grands feux d’artifices dans les airs.
A Buenos Aires, dans le quartier de Puerto Madero, le Puente de la Mujer (présenté dans un précédent article) est ainsi illuminé de mille couleurs. Sur les berges du port, chaque restaurant ou commerçant rivalise d’ingéniosité pour tirer un feu d’artifice plus haut, plus fort ou plus long que son voisin. En bref, montrer qu’il possède la plus grosse fusée, pour asseoir sa réputation auprès de ses clients. Toutes ces couleurs se mélangent, avec pour point d’orgue minuit, où le ciel se métamorphose en la palette d’un peintre qualifié (CAP peintre-applicateur de revêtements minimum).

Puente de la Mujer au Nouvel An

Puente de la Mujer au Nouvel An

L’antinomie entre célébration du passé et regard vers un avenir épuré des soucis n’est qu’apparente, la déferlante de feux d’artifices tirés dans tous les sens, par n’importe qui et le plus fort possible ne manquant pas de blesser ou tuer oiseaux curieux comme spectateurs, donnant parfois naissance au premier incident fâcheux que l’on tentera d’oublier l’année suivante…

Cette belle transition posée, étudions maintenant le rite permettant de tourner cette page par l’élimination sélective du passé. Lors du dernier jour travaillé de l’année, à Buenos Aires, dans le microcentre, les employés portent à l’état de confettis le contenus des dossiers de l’an passé, pour s’en débarrasser symboliquement en les lançant joyeusement par la fenêtre. Les rues s’en retrouvent transformées :

Et hop... le dossier par la fenêtre !

Et hop… le dossier par la fenêtre !

Une pluie de feuilles

Une pluie de feuilles

Quartier des banques et blindés

Quartier des banques et blindés

Les papiers ajoutent au contraste de la scène

Les papiers ajoutent au contraste de la scène

Nouveau lancé

Nouveau lancé

 

Bilan en fin de journée

Bilan en fin de journée

 

Cette tradition réjouissante et fantaisiste, bien qu’ajoutant un peu de travail aux balayeurs, m’interroge cependant. Le travail est-il un fardeau pour ces employés de bureaux, qui s’empressent de tout déchirer comme pour se soulager une fois l’année terminée ? Cela serait triste, et l’analyse des confettis l’est d’autant plus… Si certaines entreprises ou employés consciencieux utilisent des broyeuses pour faire de fins confettis légers comme la neige, il est également possible de trouver de gros morceaux déchirés à la main, parfois des feuilles A4 complètes !

Une récolte de rue...

Une récolte de rue…

Sur cet exemple, bien que j’ai tenté de recouvrir les informations concernant les clients, nous avons la correspondance d’un certain Santiago, employé d’une agence de voyage. Celui-ci nous fournit les noms et prénoms complets des membres de familles, avec numéro de chaque pièce d’identité, adresse de domicile, numéro de téléphone et adresses mails, dates de vacances, sommes payées, numéro de compte en banque…

Sans rentrer dans la paranoïa, l’usage qui en est fait ne semble pas très correct… Une récolte généralisée de ce type est un espionnage pouvant donner des idées à la concurrence, au voleur qui va connaitre les dates usuelles d’absence et l’adresse du domicile, ou au hacker amateur d’ingénierie sociale… nul besoin d’avoir suivi les cours de Régis pour se douter du risque à diffuser de tels renseignements !
La tradition est sympathique, mais les pratiquants semblent parfois peu préoccupés par la manière de l’accomplir, à méditer pour 2015 Santiago !

Pour terminer en musique, une dédicace à mon frère, élément déclencheur de ce beau voyage et qui m’a fait connaitre ce morceau…

 Röyksopp – Thank You.

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